Des devoirs et des déboires

Heichi était sorti du cour de japonais qui s'était très bien passé. Personne n'avait fait de reflexion ni de moqueries à son égard. Il faut dire que le professeur de japonais était vraiment très bien, un de ceux qui savait être respecté et à l'écoute de ses élèves. Takumi était comme à son habitude toujours aussi appliqué et Heichi ne put s'empecher d'avoir un sourire en pensant à son ami. Il ne savait pas pourquoi il pensait à lui et se sentiment qu'il éprouvait pour lui, il ne le connaissait pas, c'était certainement cela que tout le monde appelait : amitié.

Il s'attela à sa dissertation que le professeur leur avait demandé de faire afin d'étudier les compétences d'écritures de chacun. Le sujet était : D'après vous, la vie après la mort existe t-elle ?
Heichi n'avait jamais songé à cela, même avec tout son malheur, même avec tout ce qu'il subissait au quotidien, il tentait toujours de voir le côté positif à sa vie. Il avait trouvé une bonne raison de vivre et tant qu'il avait encore la force de lire, il resterait en vie.

Trois quart d'heure étaient passées et Heichi avait bientôt fini sa dissertation. Il en était fier et avait abordé tous les sujets possibles, des sujets bourrés de morales sur la vie et la mort, ses croyances et ses non croyances, ses théories et il avait même cité en exemple quelques livres qu'il connaissait. Il était tout étourdis tellement il avait trop réfléchit.

Hé bouseux tu fais quoi ici
Heichi n'eut pas besoin de se retourner, il reconnu immédiatement la personne à l'insulte. Son voisin de lit arriva et prit sa copie des mains. Il la parcouru rapidement des yeux avant de lancer :
Ne me dit pas que Toi tu fais tes devoirs !
Il explosa de rire, déchira la feuille dont il éparpilla les morceaux sur le sol et parti dehors en quete d'une nouvelle distraction. Heichi ramassa les morceaux qu'il tenta de recoller. Il sorti une nouvelle feuille et recommença sa dissertation, laissant échapper des perles d'eau salées dessus.

Heichi s'endormi sur sa feuille, épuisé d'avoir tant reflechi pour presque rien.

D'après vous, la vie après la mort existe-t-elle ?
Cette question avait une réponse d'une évidence irritante, car tout bon croyant -bouddhiste, en l'occurence-, savait cela ; la réincarnation est la suite de la mort, et cela est une des caractéristiques les plus connues des thèmes du bouddhisme. Takumi avait une idée claire et très précise de la rédaction à laquelle il allait s'adonner.
Il s'installa par terre, sur un coussin, et déposa les affaires dont il necessitait pour réaliser sa dissertation sur une table basse. Il leva la tête quelques secondes durant, puis entrevit Heichi. Du moins, il en eut la très brève impression ; le garçon en question était vulgairement vautré sur la table, le visage collé à un paquet de feuilles sur lequel il avait dû s'endormir. Cette manie de s'endormir en pleine activité ne pouvait appartenir qu'à un seul et même homme ; Heichi !
Takumi embarqua alors ses affaires et les déposa sur la place libre en face de Heichi (inutile de préciser que toute place autour de Heichi était libre... comme ci un certain périmètre avait été ordonné de ne pas approcher, autour de lui). Il déposa ses affaire sur la table, puis prit le temps de tourner autour de Heichi, puis de s'asseoir à côté de lui, pour le regarder des minutes durant. En dormant, il était si mignon ! On aurait dit un bébé, sur lequel il fallait veiller. Après avoir détaillé le moindre détail de son visage, takumi remarqua que les feuilles sur lesquelles il s'était assoupit étaient humides. Pourquoi ? Il regarda de bien plus près encore, et il semblait qu'une dissertation ait été déchirée ; il était endormi dessus.
Takumi passa ses doigts dans les cheveux de Heichi, puis les retira aussitôt. Et si en s'eveillant, il le prenait dans cette posture ? Qu'aurait-il pensé ? Une fois de plus, il s'interdit de le toucher, et revint à sa place. Il bouscula son épaule avec la subtilité qu'il avait l'habitude d'adopter, quand il était en compagnie de son camarade, et lui susurra :
Heichi ? Heichi, reveille-toi...

Heichi ? Heichi, reveille-toi...

Heichi entendit cette phrase à travers son rêve très étrange. Comment un champignon pouvait parler en plein milieu d'une forêt ?
Il se reveilla en sursaut passant d'un paysage sombre rempli d'arbres à un salon traditionnel japonais. Il observa un moment la salle, les yeux rougit par la fatigue et les larmes qu'il avait versé en silence. Son regard se posa ensuite sur Takumi, comment l'avait-il retrouvé ? L'avait-il cherché partout ?
Il se frotta les yeux esperant qu'il ne voit pas qu'il ai pleuré sinon que penserait-il de lui si ce n'est qu'un faible qui pleure sans cesse.

Bonjour Takumi...
Il le regarda les yeux ronds.

Un sourire séduisant s'afficha sur le visage rayonnant de Takumi. Cette dissertation était-elle si fastidieuse que cela, pour qu'Heichi s'endrome dessus ? L'idée était amusante, mais quand il vit les yeux bouffis de son camarade et les feuilles encore humidifiées, Takumi s'inquieta :
Tu as pleuré, mon grand ?
Le regard de Takumi était passé de taquin à attristé. Si Heichi avait pleuré, il aurait ressentit le même pincement au coeur qu'il avait ressentit hier, lorsqu'il l'avait entendu sangloter dans son lit.

Tu as pleuré, mon grand ?
Heichi se maudit d'avoir un visage qui marquait trop, il ne voyait pas sa tête mais celle ci ne devait pas être très belle à voir. Il devait certainement avoir les marques des feuilles sur son visage, les joues et yeux rouges et enfin les cheveux ebourriffés. Il préféra mentir à son ami, il ne voulait pas l'inquieter et encore moins se plaindre.

Oh non, j'ai juste déchiré ma feuille sans le faire exprès, je dois recommencer...

Heichi esperait que Takumi croit son piètre mensonge et ne pose plus de questions qui l'embarassait beaucoup. Pourquoi ne pouvait-il pas se défendre suffisament pour éviter d'être ainsi traité ?

Takumi sortit un crayon à papier de sa trousse, minuscule (la trousse, pas le crayon), et une feuille, sur laquelle il rédigerait d'abord son brouillon. Oui, pour parvenir à un travail parfait, Takumi avait prit l'habitude qu'aucun autre élève ne semblait avoir prit la peine de prendre ; faire un brouillon avant de passer au propre. Car cela n'était point futil !
Déchirer ça feuille, d'un coup comme cela... il fallait en vouloir pour arriver à ce résultat, pensait Takumi. Mais il n'en fit pas part à son camarade.
Je comptais moi aussi travailler sur ma dissertation. J'ai pas mal d'idée sur le sujet qui nous est proposé. Il faut dire aussi que ça n'est pas le plus compliqué !
Il réflechis, et ajouta alors, pour mettre Heichi à l'aise :
Dans les couloirs, j'ai croisé mon ancien professeur de mathématiques. Tu sais, celui qui est surnommé Sadique-Senseï ! Il m'a très clairement méprisé, et je n'ai pas apprécié, alors je suis venu ici. Je ne pensais pas que tu y serais déjà.
Il ne le pensait pas, mais l'esperait.
Takui baissa la tête vers sa feuille, et griffona un début de phrase. Après quelques essais consécutifs, il parvint à écrire cinq ou six phrases dont il ne fut pas peu fier. Il relu cela, et sourit.
Je suis le meilleur, semblait-il penser.
Il regarda Heichi, et lui sourit (encore, toujours, à nouveau, de plus, bref... tout ce que vous voulez ; comme je l'ai déjà mentionné, sourire semble être l'activité favorite de Takumi).

Heichi écoutait attentivement ce que Takumi avait à lui dire, il aimait bien ses sujets de conversations qui changeaient de tous ces autres contacts avec les être les plus insupportables du lycée comme des insultes ou des bousculades.

Il observait ce que Takumi était en train d'écrire et qui en semblait fier et fit de même. Il arrivait à relire des bribes de phrases déchirées sur ses feuilles et les recopiaient et retournant les phrases à sa manière.

Takumi s'était arreté, se mit à l'observer et lui sourire comme il faisait souvent ce qui rendait Heichi beaucoup plus détendu et il se sentait mieux en sa présence. Il lui rendit son sourire et cherchait ce qu'il pouvait lui dire. Il restait toujours aussi timide et peu social même en présence d'un ami en qui il à confiance.

Takumi qui connaissait bien Heichi (bien qu'ils se connaissent à peine, il avait l'impression d'être ami avec lui depuis qu'il était né), comprit vite que sa timidité prenait son dessus, comme toujours.
Il relu alors ce qu'il avait écrit sur son brouillon, sourit, et dit à Heichi :
On échangera nos feuilles, quand on aura fini ? J'aime bien lire le travail de mes amis.
Aussitôt dit, il se remit à écrire.

On échangera nos feuilles, quand on aura fini ? J'aime bien lire le travail de mes amis.

Heichi s'empressa de recopier ce qu'il avait écrit pour montrer son travail à son ami mais savait qu'il regretterait de lui montrer sa feuille. Il trouvait déjà ridicule sa premiere phrase d'introduction : La mort est une partie de la vie. Nous ne savons pas d'où nous venons et nous ne savons pas où nous allons...

Le calme fut de nouveau troublé lorsque que Kiro revint dans la salle.
Hé Yamashita j't'ai pas volé ta feuille j'te l'ai déchiré alors tu me feras mon devoir... Salut Tak' !
Il passa à côté d'eux et alla s'installer sur un coussin un peu plus loin.

Takumi termina la phrase qu'il avait commencé d'écrire, puis lança un regard inexpressif à Kiro, le voisin de lit de Heichi qui avait la sale manie de l'apeller ''bouseux''. C'était donc lui qui avait déchiré le devoir de Heichi, il ne l'avait pas déchiré tout seul (et honnêtement, cela paraissait tout de même incroyable). Il ne s'attarda pas à aller chercher les ennuis avec Kiro.
Sa phrase terminée (et par ailleurs, sa dissertation, en le même temps), Takumi palpa son visage, ses cheveux puis ses genoux. Il respira très fort, comme de soulagement. Le soulagement d'avoir terminé son travail et d'en être fier.
J'ai terminé.
Il avait dit cela si bas que personne ne l'avait entendu. Il avait posé sa tête dans ses mains, avait les coudes posés sur la table, et regardait Heichi, le sourire aux lèvres.

Cette contemplation de dura que le temps de quelques minutes. Assez, assez ! C'était insupportable ; Kiro avait fait pleurer Heichi (oui, Takumi s'en doutais) et il osait venir le provoquer après ce qu'il avait fait !
Takumi se leva de sa chaise, qui grinça sous le poids de l'homme, puis se tourna en direction de Kiro, affalé comme un idiot qu'il était sur les coussins, à regarder le monde passer.
Salaud ! lança doucement Takumi, l'air furieux et les sourcils froncés, alors qu'il était en train de se lever.

Heichi écrivait encore et toujours, cela faisait bien une heure et demi qu'il écrivait sans cesse et ses poignées lui faisait mal. Il était de ceux qui, tant qu'il n'avait pas fini un travail continuait même à en payer le prix de la douleur. Il pensait à son futur temps libre à lire un livre et il comptait bien, après l'homme qui retrecit, lire le livre romantique de Takumi.

Il vit entre deux mots que Takumi avait terminé sa dissertation. Il travail vite.
Il se sentit un peu minable à côté de lui car cela faisait longtemps qu'il était dessus. Kiro lui avait déchiré sa feuille et ses idées par le découragement étaient elles aussi parti en même temps en poussière.

Takumi commença à se lever en jurant. Heichi aurait parié tout l'or du monde qu'il s'appretait à aller frapper Kiro et il ne voulait pas qu'il s'en prenne ensuite à lui ou à Takumi lorsqu'ils seraient seuls. Takumi, furieux passa à côté de Heichi qui voulu attrapper son bras mais ce fut la main qu'il prit sans le vouloir.

Viens, on sort...
Heichi ne savait pas comment calmer son ami alors il préféra l'éloigner de lui un moment.

Heichi avait prit la main de Takumi, mais par le fruit de l'inadvertance. A ce geste, les muscles de Takumi s'étaient crispés, et ses yeux s'étaient équarquillés. Takumi sentait le coeur de Heichi frapper comme un gong, à travers cette main. Il se sentait brûlant, ses membres tremblaient, il était au bord des larmes, un leger mal de ventre le prenait, et son palpitant, à lui aussi, battait à toute vitesse dans sa poitrine. L'espace de quelques secondes, Takumi se calma ; puis dit :
Oui, tu as raison, allons nous-en. Allons au parc.